Jean de Jullienne par M. Vincent HADOT

[PORTRAIT]
Jean de Jullienne fit fortune dans le commerce du drap et devint directeur de la Teinturerie des Gobelins mais c'est comme mécène éclairé qu'il passa à la postérité. Collectionneur, il rassembla un grand nombre d'oeuvres de Watteau. Il publia, entre 1726 et 1735, quatre volumes de gravures qui reproduisaient l'essentiel des dessins et des tableaux de Watteau : le célèbre Recueil Jullienne. 
Jullienne est ici représenté dans un somptueux négligé, une élégante robe de chambre doublée de satin bleu dont de Troy met en lumière, au tout premier plan, une importante manche dont les plis et les rehauts brodés constituent un savoureux morceau de peinture. Le modèle tient un porte-crayon et présente un portrait de son ami Watteau dont il est vraisemblablement l'auteur (cette feuille est aujourd'hui au musée de Condé à Chantilly). 
L'élégance de la pose, l'intelligence du regard du modèle, la sensibilité de l'exécution désignent cette toile comme un chef-d'oeuvre du portrait français. Cette effigie attachante n'est-elle pas emblématique du rôle sociologique du portrait à l'époque moderne : contribuer à la notoriété d'un personnage et honorer la mémoire d'un peintre génial ?

Le tableau La Chute d’eau de Watteau, qui rejoint la collection du musée des Beaux-Arts de Valenciennes grâce à la générosité d’Ariane et Lionel Sauvage, représente un vaste paysage dominé par une cascade tumultueuse. Le titre, si judicieusement choisi, provient justement d’une gravure réalisée au début de l’année 1729 par Jean Moyreau (1690-1762), l’un des graveurs de l’équipe recrutée par Jean de Jullienne (1686-1766), ami et fidèle défenseur du peintre. Comme pour près de la moitié des gravures exécutées d’après l’oeuvre peint de Watteau que Jullienne a réunies dans son recueil en deux volumes, le titre est donné ici en français et en latin. Mais à la différence de certaines estampes de Jullienne, nul petit poème ne l’accompagne pour en décrire ou en élucider le sujet. Seul le titre, La Chute d’eau, en définit la composition.

TROY François de, Portrait de Jean de Jullienne, 1722, peinture à l'huile, toile, H. 92.5, l. 73, Valenciennes ; musée des Beaux-Arts, P.46.1.144, © Claude Thériez.

JULLIENNE Jean de (? ), Portrait de Jean-Antoine Watteau (1684-1721), 18e siècle, dessin aux trois crayons, pierre noire, sanguine, craie blanche, H. 24 ; L. 20,4, Chantilly ; musée Condé, DE PD 477, © R.G. Ojeda

Jean Moyreau, d’après Jean Antoine Watteau, La Chute d’eau, 1729, gravure au burin, 33,5 x 40,7 cm, Valenciennes, musée des Beaux-Arts, inv. E.51.13

Jean Antoine Watteau, La Chute d’eau, peinture à l’huile sur toile, 52 x 64 cm, don de M. et Mme Lionel Sauvage à l’Association des Amis américains du Louvre, dépôt du musée du Louvre