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Amis du Musée de Valenciennes
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Amis du Musée de Valenciennes
20 avril 2017

Deux sculptures se sont échappées

[VU DES COULISSES]
Deux sculptures se sont échappées des réserves pour rejoindre temporairement notre crypte archéologique, où elles seront examinées par des professionnels en vue de leur restauration.
Si nous avons évoqué récemment la première, la "Jeune fille au papillon" de Lemaire (S.86.155), rappelons-nous de la seconde, acquise l'an dernier !

Francis Burette, "L’Homme et la Mer", 1960.

Né à Denain le 15 mars 1930, Francis Burette étudie la sculpture pendant quatre années (1945-1949) sous la conduite du prix de Rome Alfred Bottiau, au sein des « Académies » valenciennoises. Primé au concours national d’Art et d’Industrie en 1948, il collabore avec son professeur à une plaque en hommage au maréchal Leclerc, inaugurée à Valenciennes en 1949.

En novembre 1949, Il est reçu 15e au concours d’entrée en première classe de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris. Il intègre l’atelier Marcel Gimond dès 1950 et obtient le 2ème Prix Chenavard en 1953. En 1954, il change d’atelier et se dirige vers Alfred Janniot, professeur de sculpture monumentale. Il obtient dès la 1ère année le 1er prix de sculpture au Grand Concours d’Art Monumental, grâce à un bas-relief de tôle martelée, découpée et repoussée représentant l’inauguration d’un port, donné par la suite au musée de Denain. Francis Burette est candidat au Concours de Rome, organisé par l’Institut de France, en 1958 et 1959. 
C’est alors que le sculpteur Henri Georges Adam est nommé professeur de sculpture, et chef d’atelier de sculpture monumentale, en remplacement d’Alfred Janniot.

Francis Burette concourt à nouveau en 1960, aux côtés du valenciennois Jacques Pouillon, qui reçut le premier second grand prix l’année précédente. En sculpture, la première épreuve du Concours de Rome était une esquisse sur un thème mythologique ou historique, suivie de l'épreuve de figure modelée. A la fin de cette épreuve, il ne restait en lice que dix candidats. L'épreuve finale était exécutée dans la loge où les "logistes" avaient dû réaliser leur esquisse en 36 heures et disposaient de soixante-douze jours pour modeler l’œuvre finale. Burette porte alors le n°2 et travaille sur le thème de L’Homme et la Mer, d’après le poème de Charles Baudelaire issu des Fleurs du Mal.

« Homme libre, toujours tu chériras la mer !
La mer est ton miroir ; tu contemples ton âme
Dans le déroulement infini de sa lame, 
Et ton esprit n'est pas un gouffre moins amer. […] »

De tous les candidats, Burette se présente sans doute comme le plus audacieux. Il parvient à synthétiser l’homme, le poisson, la vague et les rochers (symbolisés par les trous) dans une « forme » de plâtre toute en courbes, et voit son projet soutenu par les artistes non-figuratifs de l’Ecole des Beaux-Arts, alors minoritaires.

Mais le Prix, qui lui semblait alors promis, ne sera finalement pas décerné. Contre toute attente, le jury choisit de n’accorder aucune récompense en 1960. Cette décision historique fut aussitôt considérée comme une sanction à l’égard du courant esthétique abstrait, qui se développe à la fin des années 50 et au début des années 60, mais qui se place en totale opposition à l’académisme privilégié par l’Institut de France. Selon le sculpteur classique Paul Belmondo, les logistes de 1960 « ont voulu suivre la mode, ont fait une trop grande part à l’abstraction et ont négligé le dessin ».

En vérité, ils ont surtout suivi la voie ouverte par leur nouveau professeur, Henri-Georges Adam, artiste non-figuratif. Cette « grève des prix » fut alors vécue comme un véritable scandale, accroissant les dissensions entre l’Institut de France, très conservateur, et les professeurs et artistes qui se tournaient vers des formes d’expression plus contemporaines. Cette opposition débouchera finalement sur la suppression du concours du Prix de Rome peu après les manifestations de mai 1968.

En 1961, Francis Burette, qui s’intéresse particulièrement aux liens étroits entre sculpture et architecture, remporte cette fois le 1er prix d’équipe au Grand Concours d’Art Monumental, en collaboration avec un architecte et un peintre, et reçoit la même année le Prix du jeune travailleur intellectuel, avec mention spéciale.

À partir de 1961, année où il quitte l’école, l’artiste obtient plusieurs commandes pour des monuments commémoratifs (Monument à Jules Mousseron à Denain), mais également pour des agencements de places publiques (Jardin minéral à Aire-sur-Adour vers 1967-1969, Labyrinthe au ministère de la recherche et la technologie en 1987). Il travaille alors sur la ronde-bosse en employant des matériaux divers (cuivre, fer, pierre, matières plastiques, briques et béton), essentiellement de provenance locale.

L’année 1961 est également l’année de ses premières expositions, qu’elles soient individuelles comme dans l’avant-gardiste Salon de mai (la Ville), ou collectives comme à la deuxième Biennale de Paris (la Chapelle, section des travaux d’équipes). Cette dernière œuvre sera par ailleurs primée l’année suivant dans le cadre du Premier Salon européen d’Art sacré. La première exposition rétrospective consacrée à Francis Burette, à la Chambre de Commerce et d’Industrie de Saint-Quentin, puis au Musée de Denain, a lieu en 1963. Le sculpteur n’est alors âgé que de 33 ans ! Il expose la même année au Salon de la Jeune sculpture, le même salon où René Leleu exposait six ans plus tôt sa Minotauromachie. Nommé Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques en 1970, distinction honorant certains membres de la communauté éducative, Francis Burette continue à exposer jusqu’au début des années 1980.

Parallèlement, Francis Burette est professeur de sculpture au sein de l'École Régionale des Beaux-Arts et d’Architecture de Tourcoing. Il installe dès les années 1960 son atelier à Champigny-sur-Marne, où il décèdera en 2013.

C’est son épouse qui a proposé de donner au musée des Beaux-Arts de Valenciennes des œuvres de l’artiste. Notre choix s’est donc porté sur l’Homme et la Mer qui nous a semblé l’acquisition la plus opportune au regard notamment de son histoire vis-à-vis du concours de Rome, qui couronna autrefois nombre d’artistes valenciennois exposés au musée, et qui est donc intrinsèquement lié à nos collections. Par ailleurs, l’œuvre compléterait heureusement les fonds de la galerie du XXe siècle du musée, agrandie depuis les travaux de rénovation achevés en septembre 2015. Outre son côté pédagogique sur l’histoire des Prix de Rome, elle offre un intéressant pendant à l’Ours de François Pompon, constituant un exemple certes plus tardif, mais plus régional également, d’abstraction figurative et de simplification des formes dans la sculpture du XXe siècle.

V.H.

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Francis Burette (1930-2013) 
et L’Homme et la Mer, 1960
(photographie de presse)
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Francis Burette (1930-2013) dans son atelier
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Francis Burette (1930-2013), Le Labyrinthe, Paris, 1987.

 

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