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16 octobre 2018

La genèse du comté de Hainaut

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Pagus Hainae 48
La genèse du comté de Hainaut

Qu’est-ce qu’un comté médiéval ?
Un comté n’est pas une simple division administrative décidée et dessinée autour d’une table dans un château royal. Surtout dans le contexte des temps très anciens allant de l’Antiquité au Moyen-Age. Un comté médiéval, cela se créait, à partir d’un territoire donné, à la force des bras et des armes, et donc le plus souvent aux dépens des autres.

A la fin du premier moyen-âge, période à laquelle nous étions arrivés dans nos dernières chroniques, les comtés étaient nombreux, beaucoup plus qu’ils ne le seront pas la suite. C’étaient des districts fixes relevant directement des rois. Ils avaient trouvé leur origine dans les « pagus » créés à la fin de l’empire romain d’Occident, au tournant des IIIème et IVème siècles. Les Romains les concevaient comme des entités militaires et ils avaient mis à leur tête des comtes n’ayant qu’un pouvoir militaire, le pouvoir politique et judiciaire relevant avant tout des cités (ex : celle des Nerviens) et des provinces (ex : Belgique Seconde).
Quand les Francs s’accaparèrent le pouvoir au Vème siècle, ils abandonnèrent ces deux dernières divisions et ne conservèrent que les comtés (« pagus »). A leur tête, se trouvaient des comtes, nommés par les rois eux-mêmes, exerçant tous les pouvoirs (administratifs, judiciaires, fiscaux, militaires) au nom de ceux-ci. Ils étaient mis en place pour une période définie et étaient révocables. En 870, il existait 55 comtés en Lotharingie.

Une vallée. Deux comtés. 
Notre vallée de Haine se trouvait à cheval sur deux comtés, celui de Famars (« pagus Fanomartensis ») qui devint comté de Hainaut (« pagus Hanoensis ») et celui de Brabant (« pagus Bracbentensis »), parfois appelé Burbant, qui ne correspondait pas du tout au duché de Brabant qui apparaîtra plus tard. La Haine séparait ces deux entités. (carte).

On connait mal (absence de documents écrits) les comtes des époques mérovingienne et carolingienne. On cite parfois Madelgaire, le futur Saint-Vincent, au VIIème siècle, mais sans preuve irréfutable. Après Charlemagne, ce furent des personnages étrangers à notre région, que je ne citerai pas car ils n’ont pas réellement pesé sur l’Histoire.

Des comtes opportunistes
Dans la dernière chronique, je vous ai présenté les Vikings et leurs exactions. Dans notre région, ce fut surtout entre 879 et 881. Pour s’en débarrasser, que ce soit dans le Royaume de Francie Occidentale (berceau de la France) ou dans celui de Lotharingie, les rois durent s’appuyer sur leurs comtes pour combattre les assaillants. Certains d’entre eux étaient suffisamment puissants pour que les rois furent amenés à leur céder plus de pouvoirs, plus de territoires et plus d’autonomie, au point que certains de ces comtes obtinrent le droit de transmettre leurs charges et leurs territoires à leurs descendants. C’est ainsi que les comtes de Flandre (Baudouin Ier « Bras de Fer ») et de Hainaut (Régnier Ier « au Long Col »), grâce à leur caractère ambitieux et courageux, grâce aussi à l’aide de compagnons d’arme solides, purent se constituer une principauté (ou province) qui perdurera plusieurs siècles. En même temps, d’autres comtés aux seigneurs moins puissants ou moins motivés vont disparaître à tout jamais. Le même phénomène s’est aussi passé ailleurs en France, en Lotharingie et en Germanie.

Le premier des Régnier
Qui était ce Régnier Ier « au Long Col » (850, Verdun-916)? Il était originaire d’une famille lotharingienne, probablement lorraine, proche des rois carolingiens. Son père Gislebert était comte de plusieurs pagus, celui de Maastricht (Maasgau), ceux de Hesbaye (autour de Louvain et autour de Fleurus) et de Namur selon certaines sources. Sa mère était une fille du roi Lothaire Ier de Lotharingie, donc arrière-petite-fille de Charlemagne.

A la mort de son père Gislebert, Régnier fut nommé par le roi Louis III « le Jeune » de Germanie, vers 880, à la tête des comtés de son père et à la tête du « Hennegau », appellation germanique du Hainaut. Il était avoué (administrateur) de quelques grosses abbayes (Echternach, Stavelot, …). C’était donc un personnage fortuné, capable de s’entourer d’hommes de confiance. Il aurait épousé, selon certaines sources, « une fille de Mons », Albérade, aristocrate locale, peut-être originaire d’une de ces communautés franques qui habitaient autour de Mons et décrites lors de nos périples en Val de Haine.
Nous savons qu’il parvint à chasser les Vikings installés à Condé, même s’il fut au début de sa lutte fait prisonnier et libéré contre une rançon. Avec Arnulf de Carinthie, roi de Germanie et de Lotharingie, donc son suzerain, il battit les Vikings définitivement près de Louvain en 891. On ne sait pas où Régnier résidait. Sans doute avait-il plusieurs résidences, dont peut-être une à Famars, toujours chef-lieu du comté. Il ne semble pas qu’il y ait eu plus qu’un camp défensif à Mons près de l’abbaye. Toute la région avait été dévastée.

Par la suite, son histoire est digne des preux chevaliers du Moyen-Age. Dans cette période très instable sur le plan politique, Régnier Ier tantôt secondera ses maîtres, tantôt les combattra, tel ce Zwentibold, fils bâtard du roi Arnulf, nommé par celui-ci roi de Lotharingie, et personnage exécrable qui démit notre Régnier de ses comtés et tenta d’usurper le trône de Germanie. Avec une coalition d’autres seigneurs, Régnier Ier l’éliminera. Il sera un temps nommé marquis de Lotharingie par ses pairs au grand dam du roi de Germanie. Il récupéra ensuite tous ses comtés. Les péripéties furent nombreuses, mais je ne peux m’y attarder dans le contexte de cette chronique.

Sa descendance
Après une carrière bien remplie, Régnier Ier s’éteignit avec tous les honneurs en 916, cédant ses domaines et ses pouvoirs à ses fils. Gislebert devint comte de Maasgau et Régnier II comte de Hainaut et de Hesbaye.
Ce Gislebert II de Lorraine (v880-939) épousa une fille du roi Henri Ier de Germanie. Il est connu pour avoir été nommé duc de Lotharingie et avoir tenté de remettre sur pied plusieurs abbayes qui avaient disparu lors des raids Vikings. Ce fut le cas de celle de Saint-Ghislain vers 925. N’oublions pas que les abbayes et leurs grands domaines fonciers avaient énormément d’importance pour ces comtes, car ils s’en faisaient nommer abbés laïcs (ou avoués), ce qui leur permettait d’intervenir dans la gestion des domaines et surtout de s’accaparer une part des revenus. A l’époque, la richesse, c’était la terre et ce qu’elle produisait, c’étaient ceux qui vivaient sur ces terres, payaient leurs impôts et les nombreuses amendes qu’ils encouraient.

Régnier II de Hainaut (v882-apr932) « hérita » des comtés paternels (Hainaut, Louvain, Fleurus, Maastricht). Il entra en conflit avec son frère Gislebert, ce qui donna lieu à des guerres ravageant le Hainaut, terre fertile et donc convoitée. Il s’opposa aussi à d’autres comtes lotharingiens, ce qui lui permit d’agrandir son comté à l’est. Il se fit faire construire un château-donjon à Mons et y transféra, depuis Famars, le centre politique du comté.
Il eut plusieurs enfants dont Régnier III et Rodolphe. Ce dernier semble être l’ancêtre d’une famille, dite de Mons, qui possèdera plusieurs seigneuries autour de Mons (Baudour, Havré, Dour, Boussu, …). J’en parlerai brièvement plus tard.

Des temps difficiles pour le Hainaut
Régnier III (v915-973) eut la « malchance » de vivre sous un empereur de Germanie, Othon Ier, personnage autoritaire qui voulait réformer et consolider son empire. Avec son frère Brunon, nommé archevêque de Cologne et duc de Lotharingie, Othon chercha à protéger son territoire face à la France et à la Flandre à l’ouest, face aux Hongrois et aux Slaves à l’est, notamment en créant des « marches », soit des comtés à vocation militaire défensive, dirigée par des « marquis ». Il en créa plusieurs, notamment dans le comté de Burbant (nous y reviendrons dans l’article suivant). Il divisa le petit comté de Hainaut en deux : un comté de Mons, qu’il laissa à Régnier III, et un comté de Valenciennes qu’il donna à un de ses proches.
Colère du premier, révolte contre son suzerain. Il fut tout simplement limogé, envoyé en exil en Bohême où il mourut, privé de ses domaines, notamment de ses riches abbayes, et remplacé par un autre comte, Godefroid de Verdun, proche de l’empereur.
Le Hainaut était proche de sa disparition.

Des héritiers activistes…
L’ex-comte exilé avait deux fils, Régnier et Lambert, qui n’eurent qu’une seule idée : récupérer comtés et pouvoirs. Dans un premier temps, enfants, ils étaient allés se réfugier à la cour du royaume voisin de France. Ayant atteint leur majorité, ils mirent sur pied une troupe armée qui s’attaqua aux deux comtes de Mons et de Valenciennes, qu’ils combattirent et tuèrent à Péronnes (-lez-Binche) en 973. Ils vinrent ensuite s’installer dans le château de Boussu, alors résidence comtale, d’où ils furent délogés par les troupes impériales. La lutte continua, faite surtout d’escarmouches entre belligérants. Entretemps, Régnier épousa Hedwige de France, fille du roi Hugues Capet, récemment investi sur le trône à Paris.
Finalement, l’empereur suivant, Othon II, finit par rendre à Régnier ses domaines familiaux, d’autres domaines qu’il avait conquis dans ses luttes (Chimay, Beaumont, Couvin) et enfin le titre de comte de Mons en 998, sous le nom de Régnier IV (v950-1013). Son frère Lambert devint comte de Louvain, berceau du futur duché de Brabant. Valenciennes resta momentanément un comté frontalier à part.

Pour les populations locales, ce fut une période marquée par des épidémies de peste et des famines, par des luttes entre seigneuries locales. Régnier IV se montra brutal vis-à-vis de ses sujets, les grevant d’impôts pour restaurer sa puissance. On décrit des révoltes des habitants autour de Mons (Jemappes, Cuesmes, Flénu, Ghlin), révoltes durement réprimées.

… pour la survie du Hainaut
Après un siècle de luttes diverses, les quatre premiers Régnier avaient cependant constitué une principauté autonome, encore privée de la marche de Valenciennes, elle-même de plus en plus sous la menace des comtes de Flandre qui convoitaient nos régions. En 1006, Baudouin IV de Flandre s’empara de Valenciennes et en chassa le comte local.
Tout n’était pas encore gagné…

Michel HALLEZ, partagé d'après Michel Hallez

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