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9 avril 2020

Le chirurgien

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Visite guidée du dimanche
Le Chirurgien de David III Ryckaert (1612-1661) daté de 1638, est un tableau rare. A part La Leçon d’anatomie du docteur Tulp de Rembrandt daté de 1632, ou les tableaux d’arracheurs de dents, le sujet de la médecine est peu prisé au XVIIe siècle.
Ce peintre de genre était connu pour ses scènes de paysans et ses intérieurs joyeux. Renommé, ce descendant d’une dynastie d’artistes avait eu pour riche mécène, et ce, jusqu’en 1656, l’archiduc Léopold Guillaume d’Autriche (1614-1662), gouverneur des Pays-Bas méridionaux. Le prince de Habsbourg s’intéressait à son travail depuis le mariage du peintre en 1647 et avait chargé le peintre David Teniers le Jeune (1610-1690) de gérer son immense collection depuis Bruxelles.
Les tableaux de Ryckaert arrivés jusqu’à nous sont datés de 1637 à 1661 et le Chirurgien date de ses débuts, avant la période d’œuvres plus raffinées qu’il exécuta pour la collection du gouverneur des Pays-Bas.
Un blessé vient d’être accompagné par une tierce personne chez le chirurgien, alors qu’un enfant attend dehors avec la béquille. Le pauvre au pourpoint miteux pourrait bien être un paysan : la blessure qu’il présente au tibia étant typique des coups de faucille reçus durant les moissons.
Le chirurgien, concentré sur sa tâche, manipule le scalpel avec attention pour soulever le pansement collé à la plaie. La première compresse, jetée sur le sol au pied de la table, fait le bonheur du chat.
L’homme paraît compétent et sympathique avec ses lunettes posées sur le bout du nez. Son intérieur est sobre mais propre : le balai, les affaires rangées sur les étagères en attestent. La palette très flamande oscille entre les gris et les bruns, concentrant le regard sur les roses de la plaie, du pot sur la table et la cheminée de la masure aperçue par la porte laissée grande ouverte.

Mais le plus beau morceau de peinture reste la table dont le tapis de velours vert dénote avec l’ensemble, à droite du tableau. Le pot vernissé au col rose, la gourde en argent, le scalpel propre près à tomber, comme dans toutes les peintures de vanité, le pot de faïence blanche, les bouteilles de verre en arrière-plan, la bande de tissu qui retombe et la grande cruche (de Delft ?) coupée au bord du tableau… tout est là pour nous faire apprécier le talent du peintre.
Les couleurs, les textures, les formes variées, les jeux de reflet retiennent notre regard longtemps. C’est toute la pharmacopée du chirurgien qui nous est décrite mais la bande de tissu fait écho aux autres bandes de tissus qui pendent un peu partout, obligeant l’œil à traverser la pièce : au-dessus de la porte, sur l’étagère d’en face, celle du côté gauche tandis que la ligne du balai fait redescendre le regard sur la gauche, nous ramenant, encore une fois sur les pieds de chaise, la chaussure du paysan, le chat et la bande de tissu tombant de la table… et ainsi de suite !
C’est justement le linge jeté au-dessus du champ de la porte qui attire l’attention sur la chouette, symbole de sagesse, de connaissance intuitive mais pouvant aussi être signe annonciateur d’une mort imminente, rappelant les limites de la médecine de l’époque.

Tout fait de ce petit tableau un véritable chef d’œuvre, soulevant aussi les querelles qui feront naître notre médecine actuelle et la hiérarchie qui est aujourd’hui nôtre. Barbier, chirurgien, médecin vont se disputer la primeur des gestes qui sauvent, du savoir empirique ou des lettres savantes…
Me rappelant la querelle des barbiers et des chirurgiens, ce tableau me faisait sourire il y a quelques mois avec le retour en force des spécialistes du poil, lié au véritable phénomène de mode depuis la résurrection des moustaches, des barbes, des boucs, des colliers ou rouflaquettes marquant les looks de hipsters, bûcherons ou bons pères de famille d’aujourd’hui!

Je le regarde aujourd’hui avec beaucoup plus de gravité, me demandant toujours si cet homme-là a existé ? Si cet autre-là a pu être sauvé de la gangrène ? Comment savoir si ces gestes ont été suffisants à sauver une vie ? Derrière cette peinture, il y a une vérité, l’évocation d’une réalité : l’homme meurt, depuis toujours.
Pourtant, peut-être aujourd’hui plus qu’hier, dans ce contexte si particulier du Coronavirus-Covid 19, c’est un hommage aux soignants et aux chercheurs que cette évocation devrait rendre ! Présenter ce chirurgien est pour moi une façon de rendre hommage à l’aide-soignant, l’infirmière, le médecin généraliste, le brancardier, l’ambulancier, l’urgentiste, l’infectiologue, le vétérinaire ou tout personnel soignant faisant partie de la réserve sanitaire et sans hiérarchie aucune. (Gaëlle Cordier)

G
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