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Amis du Musée de Valenciennes
23 juillet 2022

Quel est ce parpaillot que le duc d’Albe rendit immortel ? par Fabienne GIARD

Quel est ce parpaillot que le duc d’Albe rendit immortel ?
Une plaque discrète, apposée sur le mur de la bibliothèque municipale, rue Ferrand, appelle au souvenir de Valentin Conrart – un homme qui doit son étonnant destin au duc d’Albe, ignoble personnage auteur des pages les plus sanglantes de notre histoire.

 

Conrart plaque

 

Des pages très anciennes, qui font remonter à l’époque de la Réforme. En 1520, Luther prend ses distances avec le pape Léon X. En 1541, Calvin s’installe à Genève et organise son Eglise réformée. A partir de 1555, de nombreuses Eglises réformées se créent en France, et entre 1560 et 1598 (date de l’Edit de Nantes) catholiques et protestants vont se cogner dessus à qui mieux mieux pendant les guerres de religion, quarante ans de carnages !
Certes, Valenciennes n’est pas française à cette époque. La ville fait partie des Pays-Bas espagnols, mais elle échange et commerce depuis toujours avec les villes du Nord, notamment Anvers vers où les flots de l’Escaut s’écoulent, et leurs idées réformistes ont trouvé bon accueil chez les bourgeois valenciennois.
Réformistes donc hérétiques : Charles Quint le catholique sera le premier à lancer un Edit contre eux, en 1550, ordonnant « que les femmes fussent enterrées vives et les hommes décapités » s’ils se repentaient de leurs erreurs ; sinon, il fallait les précipiter dans les flammes, point barre. Ces pratiques radicales n’ont cependant pas réussi à éradiquer les protestants des Pays-Bas. Lorsque Philippe II, fils de Charles Quint, lui succède en 1555, il envoie d’abord sa sœur, Marguerite de Parme, gouverner cette province ; la pauvre fut incapable de faire face aux violences des iconoclastes (qui détruisaient les statues religieuses et pillaient les églises) et à la « révolte des gueux » menée en 1566 par le prince luthérien Guillaume d’Orange. Alors Philippe II donna congé à sa sœur et envoya sur nos terres le sanguinaire duc d’Albe.
Il s’appelle Fernando Alvarez de Toledo y Pimentel, c’est un « Grand d’Espagne » qui s’est déjà illustré en remportant d’importantes batailles aux côtés de Charles Quint. Il arrive à Bruxelles le 22 août 1567, investi d’un pouvoir absolu pour réprimer les velléités de liberté de religion. Il crée aussitôt un Conseil des troubles, que tout le monde appelle bientôt Conseil de sang, ce tribunal condamnant sans preuves et envoyant systématiquement à la potence, au bûcher, à la décapitation sans oublier de confisquer les biens des suppliciés. Il se vantera, lorsqu’il rentrera en Espagne en 1573, d’avoir fait périr 18.000 personnes de la main du bourreau, et confisqué pour huit millions de ducats de revenu par an !
Basé à Bruxelles, il nomme des « commissaires » dans les villes qui se trouvent sous sa juridiction. Valenciennes reçoit les siens en janvier 1569. Ainsi que le souligne Arthur Dinaux dans ses « Archives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique » (publié en 1837), leur rôle « sous le prétexte avoué de rétablir la religion » est évidemment de « confisquer les biens des plus riches bourgeois » ; « tout ce qui avait quelque réputation de richesse, de savoir, de talent, écrit-il encore, était sûr d’attirer les soupçons des sicaires du duc d’Albe, et un soupçon coûtait la vie. »
C’est ainsi que, le 18 janvier 1569, « face à la chapelle Saint-Pierre » (place d’Armes), fut décapité à l’épée, avec une vingtaine d’autres de ses semblables, le bourgeois Pierre Conrart « pour cause d’hérésie et vente d’armes ». Les Conrart sont une très ancienne famille de marchands de Valenciennes, dont on retrouve au fil du temps des membres cités parmi les échevins de la ville. Pierre Conrart, échevin lui-même, eut sept enfants. Après son exécution, son fils Jacques alla s’établir à Paris, en France, pour échapper au Conseil du sang. Car pour survivre il fallait fuir (ou devenir catholique) ! Et c’est à Paris que naquit son fils, Valentin Conrart, en 1603.Tallemant des Réaux, huguenot également, dresse dans ses « Historiettes » le portrait de Valentin et de son père, « un bourgeois austère qui ne permettait pas à son fils de porter des jarretières ni des roses de soulier, et qui lui faisait couper les cheveux au-dessus de l’oreille » (pour comprendre de quoi il parle, il faut se figurer les costumes des messieurs à l’époque de Molière). Austère, Jacques Conrart l’était aussi pour ce qui concerne l’avenir de son fils, qu’il destinait à un emploi dans les finances. « Il ne voulait pas, dit Tallemant des Réaux, que son fils étudiât, et est la cause que Conrart ne sait point le latin. »

Le-bourgeois-gentilhomm#53B

Ne pas savoir le latin ni le grec, ce sera un grand regret pour Valentin Conrart qui est nommé en 1627 Secrétaire du roi, spécialisé dans les affaires de librairie, c’est-à-dire chargé d’autoriser la parution des livres. Cette occupation fait de lui un personnage central du monde des auteurs, et dès 1629 il réunit chez lui, rue Saint-Martin à Paris, une fois par semaine, des hommes de lettres, ce qu’on a appelé le « Cercle Conrart ». Ce cercle attire l’attention de Richelieu, qui offre de transformer ces réunions en compagnie littéraire placée sous l’autorité royale. En 1635, Conrart qui en est le secrétaire rédige les statuts de cette compagnie, approuvés par Richelieu puis ratifiés par Louis XIII : l’Académie française est née.

 

Conrart_Valentin-Univer#1DC

 

Fabienne GIART

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